Bouòni Calèna* e Bouòn Cap d’An per toui
''Calèna'' nous renvoie au mot latin ''calendes*'', qui constitent dans le calendrier romain le premier jour du mois. Le premier jour du mois de décembre au 25 décembre, d'où l'appellation.
*''calendes'' : mot féminin pluriel en latin
''calèna'' : l'est aussi en Niçois
Voici quelques rites et symboles que j'ai pu recueillir dans des ouvrages relatant les Traditions de Noël dans le Comté de Nice.
Le soir du réveillon le 24 décembre, avant de se mettre à table, un soin particulier est apporté à la mise en place de celle-ci. ''Li tres touàia''- les trois nappes de taille décroissante, symbolisant ''La Trinité'', sont disposées ainsi : une pour le soir du 24, une pour le repas du 25 et une autre pour le repas du soir de Noël, où les restes demeurent sur la table.
L'on décore les tables avec une branche de houx, symbole de bonheur, les pots de lentilles ou de blé de la Sainte Barbe et trois bougies.
Le pain est coupé en trois morceaux, par le plus ancien de la famille : un morceau pour les invités, un autre qui représente la part du pauvre et le dernier que l'on gardera dans une armoire pendant un an. L'on met aussi un couvert en plus pour le ''pauvre'', qui est en Niçois aussi ''celui du mort''.
C'est le chef de famille qui reçoit pour le Réveillon, et le jour de Noël c'est la famille qui est invitée par un autre parent.
''Lou Cacha fuèc '' ** : le 24 au soir, on éteint le feu dans la cheminée. Le plus ancien de la famille donne une bûche au plus jeune pour rallumer un nouveau feu, puis ils complètent avec du bois fruitier ou d'olivier et les aspergent de quelques gouttes de vin en disant : '' Dieù fes-n'en la gracia de veire l'an que ven, e se li sian pas de mai que noun li siguen pas mens'' - ''Dieu faîtes-nous la grâce de voir l'année prochaine, et si l'on ne sera pas plus nombreux que l'on ne sera pas moins''. C'est ''le cacha fuèc'', expression devenue ''réveillon'' au fil du temps.
** Il existe le même rituel appelé ''la tour de Jul'' chez les Peuples nordiques, qui consiste à rallumer le feu nouveau en jetant les ''runes'' dans le feu, gravés des voeux pour l'année à venir
Ce soir là, on fait maigre sans viande, en dégustant les 7 plats*** à base de poissons et de légumes : par exemple céleris, anchois, pissaladière, pâtes préparées à la main et assaisonnées de noix pilées, des cardes à la ''bagna cauda'' - sauce chaude à base d'huile d'olive et de purée d'anchois, du poisson en particulier la morue à l'aigre doux, des escargots de nos alpages, des ravioli maigres aux herbes, et surtout, pas de viande ni de fromage.
*** en souvenir des '' 7 douleurs de la Vierge Marie ''
Après ce ''maigre'' repas, l'on se rend à la Messe de minuit, sans oublier de relever les quatre coins des 3 nappes superposées sur la table, afin que les diables ne s'accrochent pas pour monter dévorer les treize desserts que l'on dégustera au retour.
Le 25, le lendemain enfin, le déjeuner consiste en un repas gras ''gros soupà'' qui fait une large place aux viandes de toute sorte, avec des boudins et l'agneau.
Le repas du 25 au soir, par contre, c'est ''l'aiga boulida'' - l'eau bouillie, sorte de bouillon d'herbes avec thym, romarin, origan, sauge et quelques gousses d'ail.
A chaque repas l'on ôtera une nappe.
Les 13 desserts :
Ils ont leur origine en Provence et les échanges commerciaux ont fait que la Tradition s'est propagée dans tout le Sud. Chaque famille adapte la mise en place avec des desserts et des fruits selon sa richesse et sa récolte.
L'on peut voir sur la table : la ''tourta de blea'' - tourte de blettes, la fougasse à la fleur d'oranger, les nèfles d'hiver, les ganses sucrées, le pain aux pignons, la fougasse à l'anis, la pompe à l'huile sorte de pain pétri à l'huile, la pâte de coings, les tartes aux noix et à la confiture, le nougat blanc, le nougat noir, les dattes, les fruits confits, les fruits secs, les mandarines, les oranges, les pommes, les poires au vin, les crèmes, les beignets, les marrons, avec aussi la représentation des 4 ordres mendiants : les amandes ''li amèndoula'' pour les ''Carmes'' (vêtement brun), les figues sèches ''li fica seca'' pour les ''Franciscains'' (en habits gris), les raisins secs ''lu asebic'' pour les ''Dominicains'' (à la robe de couleur écrue), et les noix ''li nouòe'' et noisettes ''li avelana'' pour les ''Augustins'' (robe foncéee). Enfin l'on peut confectionner le ''nougat de Capucin'' en mettant une demi noix dans une fiche sèche. L'on arrose ces desserts d'un vin cuit tiré du reste des vendanges et l'on boit du vin muscat sucré pour les accompagner. Cette tradition des 13 déserts retrace symboliquement le dernier repas du Christ en compagnie des 12 Apôtres.
La Crèche - Lou Presèpi :
La Tradition de la Crèche en Pays Niçois est omniprésente - Lou Presèpi. C'est une des plus anciennes coutumes du Comté. Son origine remonte au XIIIe siècle lorsque Saint François d'Assise conçut cette représentation de la Nativité qui s'est largement développée dans toute l'Europe et qui est devenue un art spécifique au fil des ans. Les santons - petits saints, témoins culturels et ethnologiques de notre passé sont mis en place d'une manière rituelle. Les traces de notre Presèpi, transmis de génération en génération de façon orale, remonteraient au XVIIIe siècle, vers 1760, respectivement dans les quartiers Santa Clara - Sainte Claire puis descendues à Saint François de la Tour. Notre crèche est composée d'une manière originelle, car seuls Marie, Joseph, l'âne, le boeuf et Jésus y figurent.
Bibliographie :
- Miquelina GILARDETTI BENVENUTTI (Institut d'etudes Niçoises 1993) ''Crèches et santons de Nice et du Comté - Traditions Calendales et représentations de la Nativité'',
- Paul CANESTRIER (éditions Serre 1985) ''Fêtes populaires et traditions religieuses en pays niçois'',
- Alex BENVENUTO (Lou Sourgentin)
- Laurent et Claude ESSE (Savoir gourmand entre Mer et Montagne) ''Recettes du Comté de Nice'',
- Hervé BARELLI